AT-27 LE LIVRE DE LA SAGESSE

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Les impies comparaissent en jugement. *

  5   1 Alors le juste * se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’opprimèrent, et qui, pour ses labeurs, n’avaient que mépris. 2 À sa vue, ils seront troublés par une peur terrible, stupéfaits de le voir sauvé contre toute attente. 3 Ils se diront entre eux, saisis de regrets et gémissant, * le souffle oppressé :

4 « Le voilà, celui que nous avons jadis tourné en dérision et dont nous avons fait un objet d’outrage, nous, insensés ! Nous avons tenu sa vie pour folie et sa fin pour infâme. 5 Comment donc a-t-il été compté parmi les fils de Dieu ? Comment a-t-il son lot parmi les saints ? * 6 Oui, nous avons erré hors du chemin de la vérité ; la lumière de la justice n’a pas brillé pour nous, le soleil ne s’est pas levé pour nous.

7 Nous nous sommes rassasiés dans les sentiers de l’iniquité et de la perdition, nous avons traversé des déserts sans chemins, et la voie du Seigneur, nous ne l’avons pas connue ! 8 À quoi nous a servi l’orgueil ? Que nous ont valu richesse et jactance ? 9 Tout cela a passé comme une ombre, comme une nouvelle fugitive.

10 Tel un navire qui parcourt l’onde agitée, sans qu’on puisse découvrir la trace de son passage ni le sillage de sa carène dans les flots ; 11 tel encore un oiseau qui vole à travers les airs, sans que de son trajet on découvre un vestige ; il frappe l’air léger, le fouette de ses plumes, il le fend en un violent sifflement, s’y fraie une route en remuant les ailes, et puis, de son passage on ne trouve aucun signe ;

12 telle encore une flèche lancée vers le but ; l’air déchiré revient aussitôt sur lui-même, si bien qu’on ignore le chemin qu’elle a pris. 13 Ainsi de nous : à peine nés, nous avons disparu, * et nous n’avons à montrer aucune trace de vertu ; dans notre malice nous nous sommes consumés ! » *

14 Oui, * l’espoir de l’impie est comme la bâle emportée par le vent, comme l’écume * légère chassée par la tempête ; il se dissipe comme fumée au vent, il passe comme le souvenir de l’hôte d’un jour.

La Sagesse 5 (1-14)

  • – Titre. C’est bien une scène de jugement, lorsque Dieu «fera le compte » des péchés ou lorsqu’il faudra « rendre compte » de ceux-ci. Mais ce jugement concerne les seuls impies, car les justes sont déjà admis auprès de Dieu, cf. 5 4-5. L’auteur s’intéresse moins au prononcé de la sentence qu’à l’état d’âme des pécheurs, torturés par une conscience coupable, cf. 17 10. Leur confession, 5 4-13, contraste avec les propos tenus jadis, 2 1-20.
  • – Verset 1. le juste. Le terme doit avoir la même portée qu’en 2 12s, cf. 2 20+. Il semble même généraliser davantage. Cependant certains critiques relèvent ensuite des correspondances avec le Serviteur, Is 53, voire même avec le Maître de justice des textes de Qumrân. Le développement fait penser à une figure exemplaire, représentant tous ceux qui subissent des épreuves semblables et connaîtront la même revanche dans l’au-delà.
  • – Verset 3. gémissant. « gémissant » lat., copte ; « ils gémiront » grec.
  • – Verset 5. les saints. « Fils de Dieu » et « saints » peuvent désigner les anges : cf. d’une part Jb 1 6; Ps 29 1; 82 1; 89 7; d’autre part Jb 5 1; 15 15; Ps 89 6, 8; Si 42 17; Dn 4 14; Za 14 5. Mais à cause de 2 18, il est préférable d’identifier les « fils de Dieu » avec les élus qui partagent dans le ciel l’intimité de Dieu et qui sont susceptibles également d’être appelés « saints », cf. Ps 16 3; 34 10; Is 4 3; Dn 7 18, 21, 22; 8 24.
  • – Verset 13. avons disparu. Entre ces deux extrêmes aucune valeur durable n’a rempli leur existence.
  • – Verset 13. consumés. La plupart des mss latins ajoutent : « Voilà ce que disent dans l’enfer ceux qui ont péché ». Cette glose ancienne, passée dans le texte, est comptée par la Vulgate comme v. 14.
  • – Verset 14. Oui. L’auteur conclut maintenant cette confession des damnés avec d’autres images : l’impie voit son espoir de bonheur (cf. 3 11, 18) frustré à jamais, car il s’est attaché à des biens inconsistants.
  • – Verset 14. l’écume. «écume» lat, syr.; «givre» grec (sauf quelques mss qui lisent : « toile d’araignée »).

Destinée glorieuse des justes et châtiment des impies. *

     15 Mais les justes vivent à jamais, * leur récompense est auprès du Seigneur, * et le Très-Haut a souci d’eux. 16 Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ; car de sa droite il les protégera, et de son bras, comme d’un bouclier, il les couvrira.

17 Pour armure, * il prendra son ardeur jalouse, il armera la création pour repousser ses ennemis ; 18 pour cuirasse il revêtira la justice, il mettra pour casque un jugement sans feinte, 19 il prendra pour bouclier la sainteté invincible ; 20 de sa colère inexorable il fera une épée tranchante, * et l’univers ira au combat avec lui contre les insensés. *

21 Traits bien dirigés, les éclairs jailliront, * et des nuages, comme d’un arc bien bandé, voleront vers le but ; 22 une baliste lancera des grêlons * chargés de courroux, les flots de la mer contre eux feront rage, les fleuves les submergeront sans merci * 23 un souffle puissant se lèvera contre eux et les vannera comme un ouragan. Ainsi l’iniquité dévastera la terre entière et la malfaisance renversera des trônes de puissants.

Sagesse 5 (15-23)

  • – Titre. L’auteur évoque, par contraste, la vie des justes, assurés d’une récompense éternelle, vv. 15-16′b, protégés par Dieu, v. 16e d, contre les fléaux déchaînés pour le châtiment final des impies, vv. 17-23. Ce châtiment est décrit en termes d’apocalypse, avec la reprise des images d’un grand combat, Ez 38-39 ; Is 24-26, et de bouleversements cosmiques, Am 8 8-9+. Cette section fait peut-être allusion à un événement eschatologique distinct.
  • – Verset 15. à jamaisDe la vraie vie dans l’intimité avec Dieu. Commencée sur terre, cette vie ne finit jamais.
  • – Verset 15. du Seigneur. Ou : « leur récompense est dans le Seigneur », « qui est leur «part», Ps 16 5-6; 73 26.
  • – Verset 17. pour armure. Cette «armure», inspirée d’Is 59 16-17, symbolise les attributs du Dieu justicier qui s’enferme dans sa volonté de châtier et la met à exécution en déchaînant les éléments.
  • – Verset 20. tranchante. Sur cette «épée «divine, cf. Dt 32 41 ; Is 66 16 ; Ez 21.
  • – Verset 20. insensés. Dans la Bible, Dieu utilise souvent la nature pour exercer ses jugements. L’auteur accentue ici cette idée et il le fera davantage encore en revenant sur les événements de l’Exode (cf. en particulier 16 et 19). La description suivante reprend divers motifs anciens, transposés déjà en contexte eschatologique.
  • – Verset 21. jailliront. L’orage est la représentation traditionnelle de l’intervention divine, cf. Ex 19 16+. Sur les « traits », cf. Ps 18 15 ; Ha 3 11 ; Za 9 14.
  • – Verset 22. des grêlons. Comme au temps de l’Exode, Ex 9 23-25, et de Josué, Jos 10 11, et comme dans les jugements de Dieu annoncés par les prophètes, 1s 28 17 ; Ez 13 13 ; 38 22 ; cf. Ap 8 7 ; 11 19; 16 21.
  • – Verset 22. sans merci. Comme la mer des Roseaux engloutit les Égyptiens, Ex 14 26s, et comme le Qishôn roula les cadavres des soldats de Sisera, Jg 5 21. Le déchaînement des eaux est le symbole des grandes calamités, Ps 18.