AT-34 LE LIVRE DE DANIEL

Chapitre : 1—   3  4  5 

Nabuchodonosor raconte son rêve.

4    1 Moi, Nabuchodonosor, * je me tenais sans souci dans ma maison, et florissant dans mon palais. 2 J’ai eu un songe : il m’a épouvanté ; des angoisses, sur ma couche, et les visions de ma tête m’ont tourmenté. 3 Je décrétai : qu’on m’amène tous les sages de Babylone pour qu’ils me fassent connaître l’interprétation du rêve. 4 Magiciens, devins, chaldéens et exorcistes sont venus : je leur dis mon rêve, ils ne m’en donnèrent pas l’interprétation. 5 Puis se présenta devant moi Daniel, surnommé Baltassar, selon le nom de mon dieu, * et en qui réside l’esprit des dieux saints. * Je lui dis mon songe :

6 « Baltassar, chef des magiciens, je sais qu’en toi réside l’esprit des dieux saints et qu’aucun secret ne t’embarrasse : voici * le songe que j’ai eu ; donne-m’en l’interprétation.

7 « Sur ma couche, j’ai contemplé les visions de ma tête : « Voici : un arbre * au centre de la terre, très grand de taille.

8 L’arbre grandit, devint puissant, sa hauteur atteignait le ciel, sa vue, les confins de toute la terre.

9 Son feuillage était beau, abondant son fruit ; en lui chacun trouvait sa nourriture, il donnait l’ombre aux bêtes des champs, dans ses branches nichaient les oiseaux du ciel et toute chair se nourrissait de lui.

10 Je contemplai les visions de ma tête, sur ma couche. Voici : un Vigilant, * un saint descend du ciel.

11 À pleine voix, il crie : « Abattez l’arbre, brisez ses branches, arrachez son feuillage, jetez son fruit, que les bêtes fuient son abri et les oiseaux ses branches.

12 Mais que restent en terre souche et racines dans des liens de fer et de bronze, dans l’herbe des champs. Qu’il soit baigné de la rosée du ciel et que l’herbe de la terre soit sa part avec les bêtes des champs.

13 Son cœur se détournera des hommes, * un cœur de bête lui sera donné et sept temps * passeront sur lui !

14 C’est la sentence que prononcent les Vigilants, la question tranchée par les saints, * afin que sache tout vivant que le Très Haut a domaine sur le royaume des hommes : il le donne à qui lui plaît et élève le plus bas d’entre les hommes ! »

15 Tel est le songe que j’ai eu, moi Nabuchodonosor, roi. Toi, Baltassar, donne-m’en l’interprétation, car aucun des sages de mon royaume n’a pu m’en faire connaître l’interprétation ; mais toi tu le peux, puisque en toi réside l’esprit des dieux saints. »

  • – Verset 1. Nabuchodonosor. Le grec précise : « En l’an dix-huit de son règne, Nabuchodonosor dit ». – Malgré des omissions, ce ch. est dans les LXX plus long d’un quart que le texte massorétique.
  • – Verset 5. de mon dieu. Le nom du dieu Bel, comme pour Balthazar, cf. 5 1+.
  • – Verset 5. dieux saints. C’est-à-dire l’inspiration divine que Pharaon, par exemple, discerne en Joseph à la sagesse de ses conseils, Gn 41 38 ; cf. Is 11 2+ ; 63 10-11+. – II ne faut pas corriger le pluriel de l’araméen en un singulier (ainsi Theod.) : Nabuchodonosor parle comme un païen qu’il est encore ; voir au contraire 34. De même Balthazar à 5 11, 14.
  • – Verset 6. voici. «voici» hazt conj.; «les visions de (mon songe)» hezwê aram.
  • – Verset 7. un arbre. Pour le symbolisme de l’arbre représentant la puissance croissante d’une nation, comparer Ez 17 1-10 et 22-24 et surtout 31 3-14 ; Is 10 33 – 11 1.
  • – Verset 10. un Vigilant. C’est-à-dire un ange, toujours en éveil au service de Dieu. Comparer les roues « pleines d’yeux (ou de « reflets ») tout autour », Ez 1 18 ; les anges « yeux du Seigneur », Za 4 10 b. Le terme « Vigilant », propre à Dn dans la Bible, est très fréquent dans les Apocryphes, notamment le livre d’Hénok, les Jubilés et les Testaments des Patriarches, et le « Document de Damas » : il désigne les archanges, souvent les archanges déchus. Dans la tradition postérieure, les Vigilants sont les anges gardiens.
  • – Verset 13. des hommes. Ou peut-être : « Son cœur cessera d’être un cœur d’homme ».
  • – Verset 13. sept temps. Les « temps », ailleurs périodes mal déterminées, sont ici très probablement des années.
  • – Verset 14. les saints. Les Vigilants, les saints, ne font que transmettre la sentence divine.

Daniel interprète le rêve.

16 Alors Daniel, surnommé Baltassar, fut un instant confondu et troublé dans ses pensées. Le roi dit : « Baltassar, ne sois pas troublé par ce songe et son interprétation. » Baltassar répondit : « Monseigneur, ce songe soit pour ceux qui te haïssent, et son interprétation pour tes adversaires ! 17 Cet arbre que tu as vu, grand et fort et élevé, atteignant au ciel et visible par toute la terre, 18 au beau feuillage, au fruit abondant, portant nourriture pour tous, sous lequel demeurent les bêtes des champs – et dans ses branches nichent les oiseaux du ciel, – 19 c’est toi, ô roi, qui es devenu grand et puissant, et ta grandeur a augmenté et a atteint jusqu’au ciel, et ton empire jusqu’aux confins de la terre.

20 « Quant à ce qu’a vu le roi : un Vigilant, un saint, descendu du ciel, qui disait :  » Abattez l’arbre, détruisez-le, mais la souche et ses racines laissez-les en terre, dans des liens de fer et de bronze, dans l’herbe des champs, et qu’il soit baigné de la rosée du ciel et que sa part soit avec les bêtes des champs jusqu’à ce que sept temps soient passés sur lui  » – 21 voici quelle en est l’interprétation, ô roi, et la décision du Très-Haut qui est venue sur mon Seigneur le roi :

22 « Tu seras chassé d’entre les hommes et avec les bêtes des champs sera ta demeure, tu te nourriras d’herbe, comme les bœufs, tu seras baigné de la rosée du ciel, sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu aies appris que le Très Haut a domaine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui lui plaît.

23  Et cette parole :  « Laissez la souche et les racines de l’arbre, » c’est que ton royaume sera préservé pour toi jusqu’à ce que tu aies appris que les Cieux ont tout domaine. 24 C’est pourquoi, ô roi, agrée mon conseil : romps tes péchés par les œuvres de justice, et tes iniquités en faisant miséricorde aux pauvres, afin d’avoir longue sécurité. » *

  • – Verset 24. longue sécurité. Le verbe traduit par « rompre » a donné un substantif araméen signifiant « salut, rédemption » : on pourrait traduire « rachète tes péchés ». Les « œuvres de justice » répondent à tout l’ensemble des «justes » rapports entre Dieu et les hommes, qui comprend et dépasse infiniment la justice légale ou les justices purement humaines. Au sens étroit, le terme désigne les œuvres pies, notamment l’aumône, comme dans Tb 12 9 ; 14 11.

Le rêve se réalise.

25 Tout cela advint au roi Nabuchodonosor. 26 Douze mois plus tard, se promenant sur la terrasse du palais royal de Babylone, 27 le roi disait : « N’est-ce pas là cette grande Babylone * que j’ai bâtie, pour en faire ma résidence royale, par la force de ma puissance et pour la majesté de ma gloire ? » 28 Ces paroles étaient encore dans sa bouche, quand une voix tomba du ciel :

« C’est à toi qu’il est parlé, ô roi Nabuchodonosor ! La royauté s’est retirée de toi, 29 d’entre les hommes tu seras chassé, avec les bêtes des champs sera ta demeure, d’herbe, comme les bœufs, tu te nourriras, et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu aies appris que le Très Haut a domaine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui lui plaît. »

30 Et aussitôt, la parole s’accomplit en Nabuchodonosor : il fut chassé d’entre les hommes ; comme les bœufs, il mangea de l’herbe, son corps fut baigné de la rosée du ciel, et ses cheveux poussèrent comme des plumes d’aigle et ses ongles comme des griffes d’oiseau.

31 « Au temps fixé, * moi, Nabuchodonosor, je levai les yeux vers le ciel : l’intelligence me revint ; alors je bénis le Très Haut, louant et glorifiant Celui qui vit à jamais : son empire est un empire éternel, son royaume, pour toutes les générations.

32 Tous les habitants de la terre, c’est comme s’ils ne comptaient pas, selon son bon plaisir, il agit avec l’armée du ciel et avec les habitants de la terre.

Nul ne peut arrêter sa main ou lui dire : «  Qu’as-tu fait là ? » 

33 À cet instant, l’intelligence me revint, et pour l’honneur de ma royauté me revinrent gloire et splendeur ; mes conseillers et mes grands me réclamèrent, je fus rétabli dans ma royauté, et ma grandeur fut accrue. 34 À présent, moi, Nabuchodonosor, je loue, exalte et glorifie le Roi du Ciel, dont toutes les œuvres sont vérité, toutes les voies justice, et qui sait abaisser ceux qui marchent dans l’orgueil. »

  • – Verset 27. Babylone. Babylone fut une des merveilles du monde ancien. Le nom de la ville va devenir le symbole des choses humaines magnifiques mais fragiles et, au delà, le symbole de l’orgueil humain et démoniaque, l’antithèse de la Jérusalem céleste qui est la cité de Dieu. Cf. Ap 14 8 ; 16 19 ; 17 5 ; 18 2, 10, 21, qui reprend le thème des Prophètes, Is 21 9, etc. Tout notre ch. veut montrer l’humiliation de cet orgueil : Nabuchodonosor ne retrouve son état normal qu’en se convertissant au vrai Dieu.
  • – Verset 31. au temps fixé. Dans les LXX, la guérison du roi est due à sa contrition et à sa prière : un ange lui apparaît en songe pour lui annoncer que son royaume lui sera rendu.