AT-19 LE LIVRE D’ESTHER

CHAPITRES : 1—  3  4  5 

Mardochée et Esther vont conjurer le péril.

4 1 Sitôt instruit de ce qui venait d’arriver, Mardochée déchira ses vêtements et prit le sac et la cendre. Puis il parcourut toute la ville en l’emplissant de ses cris de douleur, 2 et il alla jusqu’en face de la Porte Royale que nul ne pouvait franchir revêtu d’un sac. 3 Dans les provinces, partout où parvinrent l’ordre et le décret royal, ce ne fut plus, parmi les Juifs, que deuil, jeûne, larmes et lamentations. Le sac et la cendre devinrent la couche de beaucoup. *

4 Les servantes et les eunuques d’Esther vinrent l’avertir. La reine fut saisie d’angoisse. Elle fit envoyer des vêtements à Mardochée pour qu’il les mît et abandonnât son sac. * Mais il les refusa. 5 Mandant alors Hataq, l’un des eunuques mis par le roi à son service, Esther le dépêcha à Mardochée avec mission de s’enquérir de ce qui se passait et de lui demander les motifs de sa conduite.

6 Hataq sortit et s’en vint vers Mardochée, sur la place, devant la Porte Royale. 7 Mardochée le mit au courant des événements et, notamment, de la somme qu’Aman avait offert de verser au Trésor du roi pour l’extermination des Juifs. 8 II lui remit aussi une copie de l’édit d’extermination publié à Suse : il devait la montrer à Esther pour qu’elle soit renseignée. Et il enjoignait à la reine d’aller chez le roi implorer sa clémence et plaider la cause du peuple auquel elle appartenait. 8a « Souviens-toi, lui fit-il dire, des jours de ton abaissement où je te nourrissais de ma main. Car Aman, le second personnage du royaume, a demandé au roi notre mort. 8b Prie le Seigneur, parle pour nous au roi, arrache-nous à la mort ! » *

9 Hataq revint et rapporta ce message à Esther. * 10 Celle-ci répondit, avec ordre de répéter ses paroles à Mardochée : 11 « Serviteurs du roi et habitants des provinces, tous savent que pour quiconque, homme ou femme, pénètre sans convocation chez le roi jusque dans le vestibule intérieur, il n’y a qu’une loi : il doit mourir, à moins qu’en lui tendant son sceptre d’or le roi ne lui fasse grâce de la vie. Et il y a trente jours que je n’ai pas été invitée à approcher le roi ! »

12 Ces paroles d’Esther furent transmises à Mardochée, 13 qui répondit à son tour : « Ne va pas t’imaginer que, parce que tu es dans le palais, seule d’entre les Juifs tu pourras être sauvée. 14 Ce sera tout le contraire. Si tu t’obstines à te taire quand les choses en sont là, salut et délivrance viendront aux Juifs d’un autre lieu, * et toi et la maison de ton père vous périrez. Qui sait ? Peut-être est-ce en prévision d’une circonstance comme celle-ci que tu as accédé à la royauté ? »

15 Esther lui fit dire : 16 « Va rassembler tous les Juifs de Suse. Jeûnez à mon intention. Ne mangez ni ne buvez de trois jours et de trois nuits. De mon côté, avec mes servantes, j’observerai le même jeûne. Ainsi préparée, j’entrerai chez le roi malgré la loi et, s’il faut périr, je périrai. » 17 Mardochée se retira et exécuta les instructions d’Esther.

  • Vers 3. de beaucoup. Marques de deuil et de pénitence, cf. Is 37 1; Jdt 4 10; 1 M 3 47, etc.
  • Vers 4. son sac. Afin qu’il puisse entrer au palais et venir lui parler.
  • Vers 8b. à la mort. La Vêt. Lat. ajoute ici au grec : « Lève-toi, pourquoi restes-tu assise en silence ? Car tu es livrée, toi et ta maison et celle de ton père et tout ton peuple et toute ta postérité. Lève-toi! Voyons s’il est possible de lutter et de souffrir pour notre peuple, pour que Dieu lui devienne propice. »
  • Vers 9. à Esther. La Vêt. Lat peint en ces termes la douleur d’Esther : « Comme Esther lisait le message de son frère, elle déchira son vêtement et s’exclama d’une voix douloureuse. Elle versa de grands pleurs et son corps devint effrayant, sa chair s’affaissa. »
  • Vers 14. autre lieu. L’auteur du texte hébreu évite d’écrire le nom de Dieu.

Prière de Mardochée. *

17a Priant alors le Seigneur au souvenir de toutes ses grandes œuvres il s’exprima en ces termes ; 17b « Seigneur, Seigneur, Roi tout-puissant, tout est soumis à ton pouvoir et il n’y a personne qui puisse te tenir tête dans ta volonté de sauver Israël.

17c Oui, c’est toi qui as fait le ciel et la terre et toutes les merveilles qui sont sous le firmament. Tu es le Maître de l’univers et il n’y a personne qui puisse te résister, Seigneur.

17d Toi, tu connais tout ! Tu le sais, toi Seigneur, ni suffisance, ni orgueil, ni gloriole ne m’ont fait faire ce que j’ai fait : refuser de me prosterner devant l’orgueilleux Aman, Volontiers je lui baiserais la plante des pieds pour le salut d’Israël.

17e Mais ce que j’ai fait, c’était pour ne pas mettre la gloire d’un homme plus haut que la gloire de Dieu ; et je ne me prosternerai devant personne si ce n’est devant toi, Seigneur, et ce que je ferai là ne sera pas orgueil.

17f Et maintenant, Seigneur Dieu, Roi, Dieu d’Abraham, épargne ton peuple ! car on machine notre ruine, on projette de détruire ton antique héritage.

17g Ne délaisse pas cette part qui est ta part, que tu t’es rachetée de la terre d’Égypte !

17h Exauce ma prière, sois propice à ta part d’héritage et tourne notre deuil en joie : afin que nous vivions pour chanter ton nom, Seigneur. Et ne laisse pas disparaître la bouche de ceux qui te louent. »

17i Et tout Israël criait de toutes ses forces, car la mort était devant ses yeux.

  • Titre. Les prières de Mardochée et d’Esther sont toutes pétries de la piété de l’AT, avec, toutefois, une analyse des sentiments de l’orient, préoccupé de sa propre justification, que l’on ne retrouve pas dans les textes plus anciens.

Prière d’Esther.

17k La reine Esther cherchait aussi refuge près du Seigneur dans le péril de mort qui avait fondu sur elle. Elle avait quitté ses vêtements somptueux pour prendre des habits de détresse et de deuil. Au lieu de fastueux parfums elle avait couvert sa tête de cendres et d’ordures. Elle humiliait durement son corps, et les tresses de sa chevelure défaite remplissaient tous les lieux témoins ordinaires de ses joyeuses parures. Et elle suppliait le Seigneur Dieu d’Israël en ces termes :

17l « O mon Seigneur, notre Roi, tu es l’Unique ! Viens à mon secours, car je suis seule et n’ai d’autre recours que toi, et je vais jouer ma vie.

17m J’ai appris, dès le berceau, au sein de ma famille, * que c’est toi, Seigneur, qui as choisi Israël entre tous les peuples et nos pères parmi tous leurs ancêtres, pour être ton héritage à jamais ; et tu les as traités comme tu l’avais dit.

17n Et puis nous avons péché contre toi, et tu nous as livrés aux mains de nos ennemis pour les honneurs rendus à leurs dieux. Tu es juste, Seigneur !

170 Mais ils ne se sont pas contentés de l’amertume de notre servitude ; ils ont mis leurs mains dans celles de leurs idoles * en vue d’abolir l’arrêt sorti de tes lèvres, de faire disparaître ton héritage, de clore les bouches qui te louent, d’éteindre ton autel et la gloire de ta maison ;

17p et d’ouvrir à la place la bouche des nations pour la louange des idoles de néant, et pour s’extasier à jamais devant un roi de chair.

17q N’abandonne pas ton sceptre, Seigneur, à ceux qui ne sont pas. Point de sarcasmes sur notre ruine ! Retourne ces projets contre leurs auteurs, et du premier de nos assaillants, fais un exemple !

17r Souviens-toi, Seigneur, manifeste-toi au jour de notre tribulation ! Et moi, donne-moi du courage, Roi des dieux et dominateur de toute autorité.

17s Mets sur mes lèvres un langage charmeur lorsque je serai en face du lion, et tourne son cœur à la haine de notre ennemi, pour que celui-ci y trouve sa perte avec tous ses pareils.

17t Et nous, sauve-nous par ta main et viens à mon secours, car je suis seule et n’ai rien à part toi, Seigneur !

17u De toute chose tu as connaissance et tu sais que je hais la gloire des impies, que j’abhorre la couche des incirconcis et celle de tout étranger.

17w Tu sais la nécessité qui me tient, que j’ai horreur de l’insigne de ma grandeur, qui ceint mon front dans mes jours de représentation, la même horreur que d’un linge souillé, et ne le porte pas dans mes jours de tranquillité.

17x Ta servante n’a pas mangé à la table d’Aman, ni prisé les festins royaux, ni bu le vin des libations.

17y Ta servante ne s’est pas réjouie depuis le jour de son changement jusqu’à présent, si ce n’est en toi, Seigneur, Dieu d’Abraham.

17z O Dieu, dont la force l’emporte sur tous, écoute la voix des désespérés, tire-nous de la main des méchants et libère-moi de ma peur ! »

  • Vers 17m. de ma famille. C’est par la famille que se transmettait la tradition israélite sur toutes les merveilles accomplies par Dieu en faveur de son peuple, cf. Dt 6 20-25,
  • Vers 17o. de leur idole. Geste de serment, peut-être d’alliance.