AT-31 LES LAMENTATIONS

Chapitres : 1—  2  3 

Deuxième lamentation *

2 1 Quoi ! Le Seigneur en sa colère a enténébré La fille de Sion ! il a précipité du ciel sur la terre la gloire d’Israël ! sans plus se souvenir de son marchepied, * au jour de sa colère ! 2 Sans pitié le Seigneur a détruit toutes les demeures de Jacob ; il a renversé, en sa fureur, les forteresses de la fille de Juda ; il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. 3 II a brisé dans l’ardeur de sa colère toute la vigueur d’Israël, retiré en arrière sa droite devant l’ennemi ; il a allumé en Jacob un feu flamboyant qui dévore tout alentour. 4 II a bandé son arc, comme un ennemi, * il a assuré sa droite, il a égorgé, tel un adversaire tous ceux qui charmaient les yeux ; sur la tente de la fille de Sion il a déversé sa fureur comme un feu. 5 Le Seigneur a été comme un ennemi ; il a détruit Israël, il a détruit tous ses palais, abattu ses forteresses et multiplié pour la fille de Juda gémissements et gémissements.

  • Titre. Après avoir décrit le désastre et le sort des rois, des prêtres, des prophètes, des anciens, des enfants, vv. 1-12, le poète interpelle Sion, vv. 13-17, en lui rappelant le mensonge des faux prophètes, et l’invite à la lamentation, vv. 18-22.
  • Vers 1. marchepied. Le Temple, cf. Ez 43 7; Ps 99 5; 132 7.
  • Vers 4. ennemi. Comme en Jr 12 7; 30 14, Yahvé est présenté tragiquement comme l’ennemi de son peuple,

6 II a forcé comme un jardin son enclos, * abattu son lieu de réunion. Yahvé a fait oublier dans Sion fêtes et sabbats ; il a rejeté, dans l’ardeur de sa colère, roi et prêtre. 7 Le Seigneur a pris en dégoût son autel, en horreur son sanctuaire ; aux mains de l’ennemi il a livré les remparts de ses palais ; clameurs dans le Temple de Yahvé comme en un jour de fête ! * 8 Yahvé a médité d’abattre le rempart de la fille de Sion. Il a étendu le cordeau, ne retirant pas sa main que tout ne soit englouti. Il a endeuillé mur et avant-mur : ensemble ils se désolent. 9 Ses portes sont enfouies sous terre, il en a détruit et brisé les barres ; son roi et ses princes sont chez les païens ; plus de Loi ! Ses prophètes même n’obtiennent plus de vision de Yahvé.

10 Ils sont assis à terre, en silence, les anciens de la fille de Sion ; ils ont mis de la poussière sur leur tête, ils ont revêtu des sacs. Elles penchent la tête vers la terre, les vierges de Jérusalem. 11 Mes yeux sont consumés de larmes, mes entrailles frémissent, mon foie s’épand à terre pour le brisement de la fille de mon peuple, tandis que défaillent enfants et nourrissons sur les places de la Cité. 12 Ils disent à leurs mères ; « Où y-a-t-il du pain ? » * tandis qu’ils défaillent comme des blessés sur les places de la Ville, et qu’ils versent leur âme sur le sein de leur mère. 13 A quoi te comparer ? A quoi te dire semblable, fille de Jérusalem ? Qui pourra te sauver et te consoler, * vierge, fille de Sion ? Car il est grand comme la mer, ton brisement ; qui donc va te guérir ?

14 Tes prophètes ont eu pour toi des visions d’illusion et de clinquant, Ils n’ont pas révélé ta faute pour changer ton sort. Ils t’ont servi des oracles, d’illusion et de séduction. * 15 Ils battent des mains à cause de toi tous les passants sur le chemin ; ils sifflotent et hochent la tête sur la fille de Jérusalem. « Est-ce là la ville qu’on appelait toute belle, la joie de toute la terre ? » 16 Contre toi, ils ouvrent la bouche, tous tes ennemis ; ils sifflotent, grincent des dents, disant : « Nous l’avons engloutie ! Voilà donc le Jour que nous espérions. Nous le touchons, nous le voyons ! » 17 Yahvé a accompli ce qu’il avait résolu, exécuté sa parole décrétée depuis les jours anciens ; il a détruit sans pitié. Il a réjoui l’ennemi à tes dépens, exalté la vigueur de tes adversaires.

18 Crie donc * vers le Seigneur, rempart de la fille de Sion ; laisse couler tes larmes comme un torrent jour et nuit ; ne t’accorde pas de relâche, que tes yeux n’aient pas de repos ! 19 Debout ! Pousse un cri dans la nuit au commencement des veilles ; répands ton cœur comme de l’eau devant la face Yahvé, élève vers lui tes mains pour la vie de tes petits enfants (qui défaillent de faim à l’entrée de toutes les rues) ! *

20 « Vois, Yahvé, et regarde : Qui as-tu jamais traité de la sorte ? Fallait-il que des femmes mangent leurs petits, les enfants qu’elles berçaient ? Fallait-il qu’au sanctuaire du Seigneur fussent égorgés prêtre et prophète ? 21 Sur le sol gisent dans les rues enfants et vieillards, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu a égorgé au jour de ta colère, tu as immolé sans pitié. 22 Tu as convoqué comme pour un jour de fête les terreurs * de tous côtés ; au jour de la colère de Yahvé, il n’y eut rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a exterminés. »

  • Vers 6. son enclos. Au lieu de « comme un jardin » (gan) la leçon primitive était peut-être « comme un voleur » (gannab), corrigée par respect pour Dieu.
  • Vers 7. jour de fête. Mais c’était le cri de guerre de l’ennemi.
  • Vers 12. du pain. L’hébr. ajoute « et du vin ».
  • Vers 13. te consoler. « A quoi te comparer » Vulg.; « Que témoignerai-je pour toi » hébr. – « Qui pourra… consoler » grec; « A quoi t’assimiler pour te consoler » hébr.
  • Vers 14. de séduction. « clinquant », litt. « crépi, badigeon », allusion à Ez 13 10. -« changer ton sort », expression fréquente chez Jérémie, qui textuel, signifie également « faire revenir les captifs ». – « Ils t’ont servi », litt. « Ils ont vu pour toi ».
  • Vers 18. crie donc. « Crie donc » ça ‘aqi lâk conj.; « leur cœur crie » ça ‘aq lib-bam hébr. – L’image du rempart, dans la suite du v., ne semble pas très cohérente et on propose parfois de lire « gémis, fille de Sion » (hemi au lieu de homat) mais cette conj. est sans appui contextuel.
  • Vers 19. toutes les rues. Les deux derniers stiques qui rompent le rythme sont une addition inspirée du v. 11 ; elle se trouve également dans le grec.
  • Vers 22. les terreurs. « les terreurs » conj.; « mes terreurs » hébr.