30/09 Introductions diverses

(2) à L’Évangile selon saint Marc.

            Le plan de saint Marc est le moins systématique. Après le prélude qui constitue la prédication de Jean Baptiste, le baptême de Jésus et la tentation au désert, 1 1 – 13, quelques rares jalons nous aident à discerner une période de ministère galiléen, 1 14 ; 7 23, puis les voyages de Jésus avec ses apôtres au pays de Tyr et de Sidon, en Décapole, dans la région de Césarée de Philippe, avec retour en Galilée, 7 249 50, enfin une dernière montée à travers la Pérée et Jéricho vers Jérusalem pour la Passion et la Résurrection, 10 116 8. Sans parler de la séquence des faits dans le détail, même ce cadre général est assez conventionnel, puisqu’il parait certain, d’après les vraisemblances et le témoignage du quatrième évangile, que Jésus est monté plusieurs fois à Jérusalem avant la Pâque de la Passion. Cependant ses grandes lignes dessinent une évolution qui mérite d’être retenue pour sa vérité historique et sa portée théologique: Jésus est d’abord reçu par les foules avec faveur; puis son messianisme humble et spirituel déçoit leur attente et l’enthousiasme se refroidit ; alors Jésus s’éloigne de Galilée pour se consacrer à la formation du petit groupe des disciples fidèles, dont il obtient l’adhésion inconditionnée lors de la confession de Césarée ; c’est là un tournant décisif à partir duquel tout s’oriente vers Jérusalem, où se consomme, à la suite d’une opposition de plus en plus vive, le drame de la Passion, que couronne enfin la réponse victorieuse de Dieu : la Résurrection.

            Aussi bien est-ce le paradoxe de Jésus, incompris et rejeté par les hommes mais envoyé et triomphant par Dieu, qui intéresse au premier chef le deuxième Évangile. Il se préoccupe moins de développer l’enseignement du Maître et rapporte peu de ses paroles. Son thème essentiel est la manifestation du Messie crucifié. D’une part il montre en Jésus le Fils de Dieu, reconnu comme tel par le Père, 111; 97, par les démons, 124; 311 57, et même par les hommes, 1539, le Messie qui revendique un rang divin, 1462, supérieur aux Anges, 1332, s’attribue le pouvoir de pardonner les péchés, 210, prouve sa puissance et sa mission par des miracles, 131; 441, etc., et des exorcismes, 127; 323, etc. Mais d’autre part il souligne fortement son échec apparent auprès des hommes: railleries ou scandales des foules, 540; 62, hostilité des chefs Juifs, 21; 36, etc., incompréhension même des disciples, 413+, toutes oppositions qui mènent à l’ignominie de la croix. C’est ce scandale qu’il a à cœur d’expliquer, non seulement en lui opposant le triomphe final de la Résurrection, mais en montrant qu’il devait en être ainsi selon les desseins mystérieux de Dieu. Il fallait que le Christ souffrit pour racheter les hommes, 1045 ; 1424 ; c’était annoncé par les Écritures, 912 ; 1421, 49, et Jésus lui-même a proclamé cette voie d’humilité et de souffrances, pour lui, 831 ; 931 ; 1033, et pour les siens, 834 ; 935 ; 1015, 24, 29, 39 ; 139 – 13. Cependant l’attente juive d’un Messie guerrier et victorieux était peu prête à recevoir cette solution de douleur et d’abnégation ; c’est pourquoi, afin d’éviter un enthousiasme intempestif et illusoire, Jésus a entouré de silence ses miracles, 543 etc., et sa personne, 724 ; 930 ; au titre de « Messie« , 829, trop chargé de gloire humaine, il a préféré celui, plus humble et mystérieux, de « Fils de l’homme« , 210, etc., cf. Mt 820+. C’est ce qu’on a appelé le « secret Messianique », Mc 134+ ; mais s’il est vrai que Marc en fait une thèse essentielle de son Évangile, il n’est pas qu’il l’ait inventé après coup ; c’est la réalité profonde de la carrière douloureuse de Jésus qu’il comprend et nous expose dans la lumière de la foi définitivement affermie par le triomphe de Pâques.