30/09 Introductions diverses

INTRODUCTION à L’ÉVANGILE ET AUX ÉPÎTRES JOHANNIQUES

(5) à L’ÉVANGILE de JEAN

          La première finale de l’Évangile johannique, 20 31, le définit et le situe littérairement. Comme la plus ancienne prédication de l’Église, c’est encore un « Évangile »: une proclamation de la messianité et de la filiation divine de Jésus, à partir des « signes », pour développer la foi au Christ, en vue d’obtenir la vie. Malgré les traits qui témoignent d’une composition plus tardive, le quatrième Évangile s’apparente donc à la prédication ou « Kérygme » des tous premiers âges chrétiens, dont il reproduit la structure et les points essentiels: désignation de Jésus-Messie par la descente du Saint Esprit, selon le témoignage du Baptiste, 1 31-34; manifestation de la « gloire » de Jésus par ses œuvres et ses paroles, 1 35- 12 50; récit de la mort, et de la résurrection et de quelques-unes des apparitions du Christ, 13 1- 20 20 ; mission confiée aux apôtres avec le don de l’Esprit et le pouvoir de remettre les péchés, 20 21-29. Bien mieux, il se présente avec la garantie d’un témoin anonyme, « le disciple que Jésus aimait », qui participa au drame de la Passion, 13 23; 19 26, 35 cf. 18 15s, vit le tombeau vide, 20 2s, et le Christ ressuscité, 21 7, 20-24, et fut peut-être l’un des deux premiers à suivre Jésus comme disciple, 1 35s; ce sont les conditions requises, d’après le livre des Actes, 1 8+, pour que ce témoignage puisse s’appeler « apostolique ».

          Cependant, l’œuvre johannique présente des traits qui lui sont propres et la distingue nettement des évangiles synoptiques. Son auteur semble avoir assez fortement subi l’influence d’un courant de pensée largement répandu dans certains cercles du Judaïsme, et dont on a récemment retrouvé l’expression dans les documents esséniens de Qumrâm. Une importance particulière y était donnée à la connaissance, conférant au vocabulaire une couleur annonçant celle de la gnose; un certain dualisme s’y exprimait au moyen des antinomies: lumière-ténèbres, vérité-mensonge, ange de lumière-ténèbres (Béliar); spécialement à Qumrâm, on insistait, dans une perspective eschatologique, sur la mystique de l’unité et sur la nécessité de l’amour fraternel. Tous ces thèmes se retrouvent dans l’Évangile johannique et caractérisent bien le milieu judéo-chrétien dans lequel il a dû prendre naissance.

          Mais il y a plus. Mieux que les synoptiques, le quatrième Évangile veut mettre en lumière le sens de la vie, des gestes et des paroles de Jésus. Les événements de la vie de Jésus sont des « signes » dont le sens n’a pas apparu tout d’abord et ne fut compris qu’après la glorification du Christ, 2 22; 12 16; 13 17; bien des paroles de Jésus revêtaient une signification spirituelle qui ne fut perçue que plus tard, cf. 2 19+; il appartiendrait à l’Esprit Saint, parlant au nom du Ressuscité, rappelant et enseignant aux disciples ce que Jésus leur avait dit, de « mener à la vérité toute entière », cf 14 26+. C’est ce stade de révélation que reflète l’Évangile johannique. D’autre part, beaucoup plus que les synoptiques, il porte une empreinte cultuelle et sacramentaire. C’est dans le cadre de la vie liturgique juive que se déroule la vie de Jésus; c’est en liaison avec les principales fêtes et souvent dans le Temple qu’il opère ses miracles, tient ses principaux discours, d’ailleurs Jésus lui-même enseigne qu’il est le centre d’une religion renouvelée, « en esprit et en vérité », 4 24, s’exprimant et s’actualisant par le moyen des sacrements. L’entretien avec Nicodème contient tous les éléments d’une catéchèse baptismale, 3 1-21, et l’idée du baptême comme illumination, 9 1-39, ou comme résurrection, 5 1-14; 7 21-24, semble présente aux récits de la guérison de l’aveugle-né et du paralytique. Toute une somme d’enseignements eucharistiques se trouvent rassemblés au ch. 6. Le mystère pascal chrétien, substitué à la Pâque ancienne, pénètre tout l’Évangile, 1 29, 36; 2 13; 6 4; 19 36. Les rites Juifs de purification, 2 6; 3 25, y font place à la purification des âmes par la Parole, 15 3, et l’Esprit, 20 22s. La vie de Jésus est donc conçue en référence au mystère chrétien, vécu dans le culte et dans les sacrements.

          On le voit, le quatrième Évangile est une œuvre complexe: apparenté à la forme plus primitive de la prédication chrétienne, il est aussi le point d’aboutissement d’un effort, poursuivit sous la direction de l’Esprit Saint, en vue d’une intelligence plus profonde et plus lumineuse du mystère de Jésus.

          Chaque évangéliste a son point de vue dominant sur Jésus et sur sa mission. Pour saint Jean, Jésus est le Verbe fait chair, venant donner la vie aux hommes, 1 14. Le mystère de l’incarnation commande toute sa pensée. Cette théologie de l’Incarnation s’exprime dans la langue de la mission et du témoignage. Jésus est la Parole (le verbe) envoyée par Dieu sur la terre et qui doit faire retour à Dieu une fois sa mission accomplie, cf. 1 1+; or cette mission consiste à annoncer aux hommes les mystères divins: Jésus est le témoin de ce qu’il a vu et entendu auprès du Père, cf. 3 11+. Pour accréditer sa mission, Dieu lui a donné d’accomplir un certain nombre d’œuvres, de « signes », qui dépassent les possibilités humaines et prouvent qu’il a bien été envoyé par ce Dieu qui agit en lui, cf. 2 11+; elles sont la manifestation encore discrète de sa gloire, en attendant la pleine manifestation au jour de la résurrection, cf. 1 14+. Car, selon la prophétie d’Is 52 13 (LXX), le fils de l’homme doit être « élevé », et, par la Croix, retourner au Père, cf. 12 32+, et retrouver cette gloire, présente à Dieu « avant que le monde fût », 17 5+, 24, dont les Prophètes avaient eu révélation, cf. 5 39, 46; 12 41; 19 37 et les notes. Sa manifestation est la théophanie qui achève et éclipse toutes les précédentes, celle de la création, 1 1, celles dont furent gratifiés Abraham, 8 56, Jacob, 1 51, Moïse, 1 17, les prophètes. La gloire du « Jour de Yahvé », cf. Am 5 18+, s’accomplit dans le « Jour » de Jésus, 8 56, et singulièrement dans son « Heure », 2 4+, l’Heure de son « élévation » et de sa « glorification »; alors se révèle la transcendante grandeur de « l’envoyé », cf. 8 24+, 10 30+, venu dans le monde pour donner la vie, cf. 3 35+, à ceux qui reçoivent par la foi, le message de salut qu’il apporte, cf. 3 11+. Et c’est précisément parce que toute cette « mission » du Fils est ordonnée à une œuvre de salut qu’elle est en définitive la manifestation suprême de l’amour du Père pour le monde, cf 17 6+.

          Dans les évangiles synoptiques, la manifestation de la gloire du Christ est avant tout liée à son retour eschatologique, cf. Mt 16 27s; dans saint Jean, on retrouve les principaux éléments de l’eschatologie traditionnelle: l’attente du « dernier jour », 6 39s; 11 24+; 12 48, de la « venue » de Jésus, 14 3; 21 22s, de la résurrection des morts, 5 28s; 11 24, et du jugement final, 5 29, 45; 3 36. Toutefois, on remarque facilement une double tendance: à actualiser et à intérioriser l’eschatologie. La « venue » du Fils de l’homme est surtout conçue comme la venue de Jésus en ce monde par l’Incarnation, son élévation sur la croix et son retour vers les siens par l’Esprit Saint; le « Jugement » s’opère dès maintenant dans l’intimité des cœurs; la vie éternelle (répondant johannique du « Royaume » des synoptiques) est possédée dès maintenant dans la foi. C’est que le drame qui s’est joué en Palestine est au centre même du drame eschatologique. Par-delà les Juifs qui repoussent Jésus, apparaît en effet une réalité plus vaste: le « monde », cf. 1 9-10+, ou les « ténèbres », cf. 8 12+, dominé par Satan, le « Prince de ce monde », cf. 1 Jn 2 13s, qui agit contre Dieu et son Christ. Dans ce grand drame spirituel, tout homme est engagé; devant le Verbe fait chair s’accomplit le « Jugement du monde », 12 31-32, sa condamnation et sa défaite, 16 7-11, 33. Si le Christ donne sa vie de son plein gré, cf. 10 18+, il s’est « élevé » sur la croix, c’est pour entrer en possession de sa gloire, cf. 12 32+, qui se trouve dès lors manifestée aux yeux de tous pour la confusion du monde incrédule et la défaite définitive de Satan. Le triomphe de Dieu sur le mal, le salut du monde sont accomplis par la résurrection glorieuse, et le retour du Christ au dernier Jour ne sera qu’un achèvement.

          Il est assez malaisé de découvrir le plan précis selon lequel saint Jean a voulu exposer ce mystère du Christ. Notons d’abord que l’ordre dans lequel l’Évangile se présente offre un certain nombre de difficultés: succession difficile des ch. 4, 5, 6, 7 1-24; anomalie des ch. 15- 17 venant après l’adieu de 14 31; situation hors de contexte de fragments tels que 3 31-36 et 12 44-50. Il est possible que ces anomalies proviennent de la façon dont l’Évangile a été composé et édité: il serait en fait le résultat d’une lente élaboration, comportant des éléments d’époques différentes, des retouches, des additions, des rédactions diverses d’un même enseignement, le tout ayant été définitivement publié, non par Jean lui-même, mais après sa mort, par ses disciples, 21 24; ainsi, dans la trame primitive de l’Évangile, ceux-ci auraient inséré des fragments johanniques qu’ils ne voulaient pas laisser perdre et dont la place n’était pas rigoureusement déterminée.

          On a proposé de nombreuses manières de diviser l’Évangile, qui toutes contiennent une part de vrai, mais pèchent souvent par excès de systématisation. Le mieux est de se laisser guider par les indications les plus nettes données par l’évangéliste lui-même. D’une part, il est clair qu’il insiste sur l’importance des fêtes liturgiques juives, comme jalons de son récit: trois Pâques, 2 13; 6 4; 11 55, une fête non précisée, 5 1, une fête des Tentes, 7 2, une fête de la Dédicace, 10 22. D’autre part, en plusieurs circonstances, il note soigneusement le comput des jours pour diviser la vie du Christ en périodes déterminées. Ainsi: la première semaine du ministère du Christ, 1 19 – 2 11, la semaine de la fête des Tentes, 7 2, 14, 37, la semaine de la Passion, 12 1, 12; 19 31,42, incluse entre l’ensevelissement symbolique, 12 7, et sa réalisation, 19 38s; on notera également le rappel de la première Pâque, en 4 45, qui forme inclusion avec 2 13-25. En tenant compte de ces deux faits, on pourrait proposer la division suivante:

-Prologue, 1 1-18: « Au commencement… ».

– Le ministère de Jésus:

1. L’annonce de la nouvelle économie, 1 19- 4 54: la semaine inaugurale; les événements qui gravitent autour de la première Pâque.

2. Deuxième fête, un jour de sabbat, à Jérusalem: première opposition à la révélation, 5 1-47.

3. En Galilée, deuxième Pâque: nouvelle opposition à la révélation, 6 1-71.

4. La fête des Tentes: la grande révélation messianique; le grand refus, 7 1-10 21.

5. La fête de la Dédicace: décision de tuer Jésus, 10 22- 11 54.

6. Fin du ministère public de Jésus et préliminaires de la dernière Pâque, 11 55-12 50.

  -L’heure de Jésus. La Pâque de l’Agneau de Dieu (13 1- 20 31:)

1. Le dernier repas de Jésus avec ses disciples, 13 1- 17 26.

2. La passion, 18- 19.

3. Les récits de la résurrection et la béatitude de la foi, 20 1-29.

4. Première conclusion de l’Évangile, 20 30S.

          Épilogue (21 1-25): l’annonce de la vie de l’Église et l’attente de retour de Jésus.

Une idée se dégage de ce plan: Jésus met fin aux institutions juives en les accomplissant.

          Le quatrième Évangile représente-t-il, par rapport aux trois premiers, une source indépendante et originale, ayant valeur propre d’information? Et, dans l’affirmative, quelle est sa valeur historique?

          Sur le premier point, on pourrait proposer, avec réserves, les conclusions suivantes. Beaucoup d’indices révèlent chez Jean la connaissance de la tradition synoptique, en particulier certaines omissions qui seraient chez lui incompréhensibles s’il ne supposait pas les faits connus par ailleurs; et d’autre part, le souci de préciser et de compléter à l’occasion la tradition synoptique. Toutefois, les travaux modernes mettent de plus en plus en évidence l’originalité et l’indépendance de la tradition johannique; même lorsqu’il raconte des épisodes connus des synoptiques, saint Jean reste si personnel qu’il faut exclure toute dépendance littéraire: l’auteur du quatrième Évangile connaissait les faits par une autre voie, et il doit toujours être considéré comme une source autonome, un témoin original de la tradition primitive. En ce qui concerne les rapports entre Luc et Jean, beaucoup plus étroits, on pourrait même aller plus loin et admettre que Luc, en rédigeant son Évangile, a connu et utilisé, sinon l’Évangile johannique dans sa teneur actuelle, du moins des traditions johanniques (spécialement dans les récits de la Passion et de la Résurrection), très anciennement constituées. Inversement, il est possible que l’Évangile de Jean, pour son ultime rédaction, ait subi l’influence de celui de Luc.

          A mesure que les critiques en sont venus à reconnaître l’indépendance de la tradition johannique, ils en ont aussi reconnu l’importance historique. En ce qui concerne le déroulement de la vie de Jésus, sur bien des points Jean précise les données synoptiques; ainsi la durée réelle du ministère de Jésus et de la chronologie de la Passion, plus exacte, semble-t-il, que celle des synoptiques. A propos de la purification du Temple, le quatrième Évangile contient une des données chronologiques les plus précises des évangiles, 2 20, et qui correspond à la donnée de Luc, 3 1. La topographie johannique est également beaucoup plus riche que celle des synoptiques, et les fouilles modernes ont à plusieurs reprises confirmé les indications qu’il donnait (cf. la piscine à cinq portiques de 5 2). Tout l’Évangile est rempli de détails concrets, prouvant que son auteur était parfaitement au courant des coutumes religieuses juives, de même que de la mentalité rabbinique ou de la casuistique en usage chez les Docteurs de la Loi. Enfin, la personne même du Christ, malgré sa transcendance soulignée par l’évangéliste, demeure profondément humaine et vraie, touchante d’humilité et de simplicité même dans les scènes les plus « glorieuses » où le Ressuscité se manifeste aux disciples. Du reste l’œuvre de Jean demeurerait incompréhensible si l’on voulait nier qu’il ait eu la conviction de la réalité historique des faits qu’il racontait.

          Mais que l’on ne s’y trompe pas; la conception de l’histoire que suppose le quatrième Évangile diffère profondément de l’idée que s’en fait l’historien moderne. Ce qui importe avant tout à l’évangéliste, c’est de mettre en lumière le sens d’une histoire, qui est divine autant qu’humaine, histoire mais aussi théologie, qui se déroule dans le temps mais plonge dans l’éternité; il veut raconter fidèlement et proposer à la foi des hommes l’événement spirituel qui s’est accompli dans le monde par la venue de Jésus Christ: l’incarnation du Verbe pour le salut des hommes. Pour cela, l’évangéliste a du faire un choix, et il a retenu spécialement les faits qui pouvaient présenter à ses yeux une valeur symbolique, leur donnant par là une profondeur et des résonances nouvelles. Les miracles racontés sont des « signes » qui révèlent la gloire du Christ et symbolisent les dons qu’il apporte au monde (purification nouvelle, pain vivant, lumière, vie). En dehors des miracles, l’auteur a le don de saisir la signification spirituelle des faits et d’y découvrir des mystères divins (cf. 2 19-21; 9 7; 11 51s; 13 30; 19 31-37 et les notes); il voit les faits matériels, historiques, dans leur dimension spirituelle: Jésus est la lumière qui vient dans le monde, son combat est celui de la lumière contre les ténèbres; sa mort est le jugement du monde; toute sa vie est en définitive l’accomplissement des grandes figures messianiques de l’Ancien Testament: il est l’Agneau de Dieu, 1 29, le temple nouveau, 2 21, le serpent sauveur élevé dans le désert, 3 14, le pain de vie qui remplace la manne, 6 35, le bon Pasteur, 10 11, le vrai cep, 15 1, etc. Ce portrait, à la foi hiératique et plein de vérité humaine, donne à la figure historique du Christ toute sa dimension de Sauveur du monde. A propos de Jean, il ne faut donc pas opposer symbolisme et histoire: le symbolisme est celui des faits eux-mêmes, il jaillit de l’histoire, il s’y enracine, il en exprime le sens et n’a de valeur, pour le témoin privilégié du Verbe fait chair, qu’à cette condition.

          Une dernière question reste à poser: quel est l’auteur de cet Évangile si riche et si complexe ? Presque unanimement, la tradition répond: Jean l’apôtre, le fils de Zébédée. Dès la première moitié du IIe siècle, nous voyons que le quatrième Évangile est connu et utilisé par nombre d’auteurs: saint Ignace d’Antioche, l’auteur des Odes de Salomon, Papias, saint Augustin, et même peut-être saint Clément de Rome – preuve qu’il possédait déjà une autorité apostolique. Le premier témoignage explicite est le témoignage de saint Irénée, vers 180: « Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, le même qui reposa sur sa poitrine, a publié lui aussi l’Évangile pendant son séjour à Éphèse. »

Presque à la même époque, Clément d’Alexandrie, Tertullien, le canon de Muratori attribuent eux aussi formellement le quatrième Évangile à Jean l’apôtre. Si, aux confins des II e – III e siècles, on peut relever une opinion opposée, celle des gens en réaction contre les « spirituels » montanistes qui utilisaient l’Évangile de Jean à des fins tendancieuses. Mais cette opposition se réduit à peu de chose, et, fondée sur des raisons théologiques, elle n’a aucune racine dans la tradition.

          Rien dans l’Évangile lui-même, ne viens d’ailleurs démentir cette tradition, bien au contraire. On l’a vu, l’Évangile se présente sous la garantie d’un disciple aimé du Seigneur, témoins oculaire des faits qu’il raconte. Sa langue et son style dénotent d’une origine manifestement sémitique; on le voit parfaitement au courant des coutumes juives comme de la topographie palestinienne du temps du Christ. Il semble lié d’une amitié spéciale avec Pierre, 13 23s; 18 15; 20 3-10; 21 20-23; et Luc nous apprend que c’était effectivement le cas de Jean l’apôtre, Lc 22 8; Ac 3 1-4, 11; 4 13, 19; 8 14. Enfin comment expliquer le silence incompréhensible du quatrième Évangile sur les deux fils de Zébédée, sinon justement parce qu’ils auraient été écrit par l’un d’eux? Le « disciple que Jésus aimait… qui a écrit ces choses », 21 24, est bien celui que, avec Pierre et Jacques, Jésus tenait en particulière estime, Mc 5 37; 9 2; 13 3; 14 33. On a voulu objecter le fait que, d’après certains témoignages, Jean l’apôtre serait mort martyr à une date relativement ancienne, et donc qu’il n’aurait pu écrire l’Évangile qui porte son nom. De fait, il est difficile de nier qu’il y ait eu effectivement une tradition ancienne en faveur de ce martyre, mais a-t-elle plus de garanties d’authenticité que la tradition faisant vivre saint Jean à Éphèse jusqu’à un âge avancé? Et si oui, on pourra noter qu’elle demeure muette sur la date de ce martyre. D’autre part, l’ensemble des traditions johanniques, on l’a vu, fut certainement constitué à une date fort ancienne, même si l’Évangile ne fut définitivement rédigé et édité que plus tard, probablement par les disciples de Jean. Dès lors, la paternité johannique du quatrième Évangile ne serait pas inconciliable avec l’hypothèse d’un martyre de l’apôtre.
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