02\-06 Le jugement des peuples. Is 63-64

ISAÏE Chap. 63 & 64

Le jugement des peuples. *

63 1 Quel est donc celui-ci qui vient d’Édom, de Boçra en habits éclatants, magnifiquement drapé dans son manteau, s’avançant * dans la plénitude de sa force ? « C’est moi qui parle avec justice, qui suis puissant pour sauver. » 2 – Pourquoi ce rouge à ton manteau, pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir ? 3 – À la cuve j’ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple * pas un n’était avec moi. Alors je les ai foulés dans ma colère, je les ai piétinés dans ma fureur, leur sang * a giclé sur mes habits, et j’ai taché tous mes vêtements.

4 Car j’ai au cœur un jour de vengeance, c’est l’année de ma rétribution qui vient. 5 Je regarde : personne pour m’aider ! Je montre mon angoisse : personne pour me soutenir ! Alors mon bras est venu à mon secours, c’est ma fureur qui m’a soutenu. 6 J’ai écrasé les peuples dans ma colère, je les ai brisés * dans ma fureur, et j’ai fait ruisseler à terre leur sang. »

–  Titre. Ce beau fragment de poème apocalyptique est conçu comme un dialogue entre Yahvé et l’inspiré. Yahvé se présente comme un vendangeur dont les habits sont souillés par le jus des raisins. Mais ceux qu’Il a foulés au pressoir, ce sont les peuples ennemis d’Israël, dont Édom, l’ennemi traditionnel, cf. 34 1-7, est le type. On a tenté, en corrigeant les mots « Édom » et « Boçra », de traduire : « Qui arrive tout rouge, en habits éclatants comme un vendangeur », interprétation qui favoriserait l’application du texte au Messie souffrant.

–  Verset 1. s’avançant. « s’avançant » ço ‘ed conj.; « s’inclinant » ço ‘eh hébr.

–  Verset 3. mon peuple. « des gens de mon peuple » lQIsa; « des peuples » TM.

–  Verset 3. leur sang. Litt. « leur jus », c’est la métaphore de la vigne qui continue. Noter que par une image contraire, le jus est parfois appelé le « sang » du raisin.

–  Verset 6. ai brisés. «je les ai brisés » we’ashabberam mss hébreu.; «je les ai enivrés » we’ashakkeram TM.

Méditation sur l’histoire d’Israël. *

7 Je vais célébrer les grâces de Yahvé, les louanges de Yahvé, pour tout ce que Yahvé a accompli pour nous, pour sa grande bonté envers la maison d’Israël, pour tout ce qu’il a accompli dans sa miséricorde, pour l’abondance de ses grâces. 8 Car il dit : Certes, c’est mon peuple, des fils qui ne vont pas me tromper ; et il fut pour eux un sauveur. 9 Dans toutes leurs angoisses, ce n’est pas un messager * ou un ange, c’est sa face qui les a sauvés. Dans son amour et sa pitié, c’est lui qui les a rachetés, il s’est chargé d’eux et les a portés, tous les jours du passé.

10 Mais eux, ils se sont révoltés et ils ont irrité son Esprit saint. C’est alors qu’il les a pris en aversion et qu’il les a lui-même combattus. 11 Mais il s’est souvenu des jours d’autrefois, de Moïse, son serviteur. * Où est-il, celui qui les sauva de la mer, le pasteur de son troupeau ? Où est celui qui mettait au milieu d’eux son Esprit saint ? 12 Celui qui accompagna la droite de Moïse de son bras glorieux, qui fendit les eaux devant eux pour se faire un renom éternel ;

13 qui les fit passer par les abîmes, comme un cheval passe dans le désert ; ils ne trébuchèrent pas plus 14 qu’une bête qui descend dans la vallée ; l’Esprit de Yahvé les menait au repos. Ainsi as-tu conduit ton peuple pour te faire un nom glorieux. *15 Regarde du ciel et vois, * depuis ta demeure sainte et glorieuse. Où sont ta jalousie et ta puissance ? Le frémissement de tes entrailles et ta piété pour moi se sont-ils contenus ?

16 Pourtant tu es notre père. Si Abraham ne nous a pas reconnus, si Israël ne se souvient plus de nous, toi, Yahvé, tu es notre père, notre rédempteur, tel est ton nom depuis toujours. 17 Pourquoi, Yahvé, nous laisser errer loin de tes voies et endurcir nos cœurs en refusant ta crainte ? Reviens, à cause de tes serviteurs et des tribus de ton héritage.

18 Pour bien peu de temps ton peuple saint a joui de son héritage ; nos ennemis ont piétiné ton sanctuaire. 19 Nous sommes, depuis longtemps, des gens sur qui tu ne règnes plus et qui ne portent plus ton nom. Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais * – devant ta face les montagnes seraient ébranlées ;

–  Titre. Le long poème 63 7 – 64 11 a la forme d’un psaume de supplication collective, cf. spécialement Ps 44 et 89 et les Lamentations. Les références de 63 18 et 64 9-10 à la ruine de Jérusalem et du Temple en 587 indiquent que le souvenir de la catastrophe est encore tout proche. Le poème date du début de l’Exil. Le rappel de l’histoire passée, 63 7-14, est conforme à la théologie deutéronomiste : Dieu châtie son peuple révolté, puis il le sauve.

–  Verset 9. un messager. « messager » çir grec; « angoisse » car hébreu.

–  Verset 11son serviteur. « son serviteur » mss, syr.; « son peuple » hébr.

–  Verset 14nom glorieux. Les vv. 11-14 rappellent le premier grand acte sauveur de Dieu, la délivrance d’Égypte, comme le gage du salut à venir.

–  Verset 15. et vois. Ici commence proprement la supplication, encadrée par les deux appels de 63 15 et 64 11 qui se correspondent. Entre les deux, les thèmes ordinaires aux supplications se succèdent sans plan défini. Noter l’insistance sur la paternité divine, 63 16; 64 7.

–  Verset 19et descendait. La phrase se continue à 64 lb. Cet appel à la venue de Yahvé est interrompu par l’évocation des traits ordinaires des théophanies, cf. Ps 18 6-7; 144 5, etc.

—————————————-

ISAÏE Chap. 64

64   1 comme le feu enflamme des brindilles, comme le feu fait bouillir l’eau, pour faire connaître ton nom à tes adversaires, devant ta face les nations trembleraient 2 quand tu ferais des prodiges inattendus. (Tu es descendu : devant ta face les montagnes ont été ébranlées.) *3 Jamais on n’avait ouï dire, on n’avait pas entendu, et l’œil n’avait pas vu * un Dieu, toi excepté, agir ainsi en faveur de qui a confiance en lui.

4 Tu as rencontré celui qui, plein d’allégresse, pratique la justice ; en suivant tes voies, ils se souviendront de toi. Voici que toi, tu t’es irrité, et nous avons péché. Nous sommes à jamais dans tes voies et nous serons sauvés. * 5 Tous, nous étions comme des êtres impurs, et nos bonnes actions comme du linge souillé. Tous, nous nous flétrissons * comme des feuilles mortes, et nos fautes nous emportent comme le vent.

6 Plus personne pour invoquer ton nom, pour se réveiller en s’attachant à toi, car tu nous as caché ta face et tu nous as livrés * au pouvoir de nos fautes. 7 Et pourtant, Yahvé, tu es notre père, nous sommes l’argile, tu es notre potier, nous sommes tous l’œuvre de tes mains. 8 Yahvé, ne t’irrite pas à l’excès, ne garde pas à jamais le souvenir de la faute. Vois donc, nous sommes tous ton peuple.

9 Tes villes saintes sont devenues un désert, Sion est devenue un désert, Jérusalem, un lieu désolé. 10 Notre temple saint et magnifique, où nos ancêtres te louaient, est devenu la proie du feu. Tout ce que nous aimions est devenu ruine. 11 Peux-tu rester insensible à tout cela, Yahvé ? Te taire serait nous humilier à l’excès.

–  Verset 2. ébranlées. Glose qui répète 63 19.
–  Verset 3. pas vu. Saint Paul, 1 Co 2 9, semble citer ce texte en une formule mieux rythmée : « l’œil n’a pas vu et l’oreille n’a pas entendu… » II est difficile de dire s’il cite largement ou s’il possédait un texte d’Isaïe différent du nôtre.
–  Verset 4. seront sauvés. Litt. : « en elles nous sommes à jamais… »; l’expression peut se rapporter aux « voies » du début du v., mais d’autres interprètent tout autrement : « Dans nos fautes nous sommes à jamais et nous serions sauvés! ». Ce serait alors un cri de découragement. On reste hésitant, et il est possible que le texte soit corrompu.
–  Verset 5. nous flétrissons. « nous flétrissons » grec; hébr. incertain.
–  Verset 6. a livrés. « tu nous a livrés » versions; « tu nous as fait trembler » (?) hébr.

———————————

1 Co 2 9, – 9 mais, selon qu’il est écrit, * nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.