AT-27 LE LIVRE DE LA SAGESSE

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18   1 Cependant pour tes saints il y avait une très grande lumière. Les autres, qui entendaient leur voix sans voir leur figure, * les proclamaient heureux de n’avoir pas eux-mêmes souffert, * 2 ils leur rendaient grâce de ne pas sévir, après avoir été maltraités, et leur demandaient pardon pour leur attitude hostile. *

3 Au lieu de ces ténèbres, tu donnas aux tiens une colonne flamboyante, pour leur servir de guide en un voyage inconnu, de soleil inoffensif en leur glorieuse migration. 4 Mais ceux-là méritaient bien d’être privés de lumière et d’être prisonniers des ténèbres, qui avaient gardé enfermés tes fils, par qui devait être donnée au monde l’incorruptible lumière de la Loi.

  • – Titre. Colonne de feu. A la plaie des ténèbres. Ex 10 21-23, l’auteur oppose la lumière qui continuait d’éclairer le monde entier et les Israélites, v. 18 et 18 1, puis la lumière de la Loi. 18 4, mais l’antithèse proprement dite fait intervenir la « colonne de feu » 18 3.
  • – Verset 3. des fantômes. L’auteur va dramatiser étrangement la plaie des ténèbres. La description qui suit amplifie en divers sens le récit biblique et s’apparente au midrash hellénistique, utilisant peut être des légendes juives et des spéculations rabbiniques qu’on retrouve chez Philon d’Alexandrie. On relèvera en même temps l’orientation apocalyptique de l’ensemble : les ténèbres d’Égypte deviennent l’anticipation ou l’image des ténèbres infernales, cf, surtout w. 14.20.
  • – Verset 7. impuissants. Après une réussite temporaire. Ex 7 11, 22; 8 3, ils avaient échoué, Ex 8 14, et même porté malheur à leurs auteurs. Ex 9 11. Il semble bien qu’à travers les magiciens du Pharaon, l’auteur s’en prenne aux magiciens de son temps.
  • – Verset 11. les difficultés. Première mention de la « conscience » dans la Bible grecque, cf. Ac 23 1 +; le mot désigne ici la conscience morale reprochant les péchés commis. – La réflexion élimine les causes imaginaires de la peur. Mais la conscience chargée la trouble et l’empêche d’accomplir son œuvre.
  • – Verset 15. envahis. « avait envahis » mss; « s’était abattue » texte reçu.
  • – Verset 1. leur figure. Les Hébreux sont supposés ici mêlés aux Égyptiens, cf. Ex 11 4-7; 12 12-13, 29-36.
  • – Verset 1. souffert. « de n’avoir pas» mss, lat.: «quoiqu’ils aient (eux-mêmes souffert) » texte reçu.
  • – Verset 2. hostile. On pourrait aussi traduire : « leur demandaient en grâce de partir», cf. Ex 10 24; 11 8; 12 33.

Sixième antithèse : nuit tragique et nuit de délivrance. *

5 Comme ils avaient résolu de tuer les petits enfants des saints, et que, des enfants exposés, un seul avait été sauvé, tu leur enlevas, pour les châtier, la multitude de leurs enfants * et tu les fis périr tous ensemble dans l’eau impétueuse. *

6 Cette nuit-là fut à l’avance connue de nos pères, * pour que, sachant d’une manière sûre à quels serments ils avaient cru, ils aient bon courage. 7 Ton peuple attendit et le salut des justes et la perte des ennemis ; 8 car, par la vengeance même que tu tiras de nos adversaires, tu nous glorifias en nous appelant à toi. *

9 Aussi les saints enfants des bons * sacrifiaient-ils en secret, et ils établirent d’un commun accord cette loi divine, que les saints partageraient également biens et périls ; et ils entonnaient déjà les cantiques des Pères. *

10 La clameur discordante de leurs ennemis faisait écho, et les accents plaintifs de ceux qui se lamentaient sur leurs enfants se répandaient au loin. 11 Un même châtiment frappait esclave et maître, l’homme du peuple endurait les mêmes souffrances que le roi.

12 Tous donc pareillement, frappés du même trépas, eurent des morts innombrables. Les vivants ne suffisaient plus aux funérailles, car, en un instant, leur plus précieuse descendance avait été détruite.

13 Ainsi, ceux que des sortilèges avaient rendus absolument incrédules confessèrent, devant la perte de leurs premiers-nés, que ce peuple était fils de Dieu. * 14 Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, 15 du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal, guerrier inexorable, au milieu d’une terre vouée à l’extermination. *

Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret, 16 elle s’arrêta et remplit de mort l’univers ; elle touchait au ciel et se tenait sur la terre.

17 Alors * brusquement des apparitions en des songes terribles les épouvantèrent, des peurs inattendues les assaillirent. 18 Jetés à demi morts, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, ils faisaient savoir pour quelle raison ils mouraient, 19 car les songes qui les avaient troublés les en avaient avertis d’avance, afin qu’ils ne périssent pas sans savoir pourquoi ils subissaient le mal.

  • – Titre. De délivrance. En alléguant un autre exemple de la correspondance entre faute et châtiment, cf. 11 16, l’auteur annonce à la fois l’extermination des premiers-nés et le désastre de la mer Rouge (v. 5). Mais son attention se fixe ensuite sur le premier épisode.
  • – Verset 5. leurs enfants. Cette correspondance s’appuie peut-être sur Ex 4 22-23. Précédemment, 11 6-7, le décret infanticide était invoqué pour justifier la plaie du Nil changé en sang.
  • – Verset 5. impétueuse. Cet autre épisode est mis également en relation avec le décret infanticide par le livre des Jubilés (48 14) et un commentaire rabbinique.
  • – Verset 6. de nos pères. Soit les Israélites du temps de l’Exode, Ex 11 4-7, soit plutôt les patriarches, à qui Dieu avait promis de délivrer leurs descendants de la servitude d’Egypte, Gn 15 13-14; 46 3-4.
  • – Verset 8. à toi. L’extermination des premiers-nés d’Égypte, la célébration de la Pâque et l’Exode désignaient définitivement Israël comme le peuple de Dieu, cf. Dt 7 6+.
  • – Verset 9. des bons. C’est-à-dire les descendants de bonne souche, d’une lignée sainte ; on peut aussi traduire : « les saints enfants des biens », c’est-à-dire les héritiers des biens promis aux Pères. – La Pâque est appelée sacrifice, Ex 12 27; Dt 16 2, 5. Ce sacrifice est dit « secret » parce que célébré à l’intérieur des maisons. Ex 12 46.
  • – Verset 9. des Pères. L’auteur se représente déjà la première Pâque à l’image des Pâques postérieures, où l’on chantait le Hallel, Ps 113-118.
  • – Verset 13. de Dieu. Dans leur foi aux sortilèges, les Égyptiens avaient espéré jusque-là que leurs magiciens finiraient par l’emporter sur Moïse, cf. Ex 7 11-13; 8 3 14; 9 11, qui semblait mettre en œuvre une magie rivale. Cette fois, Dieu frappe directement.
  • – Verset 15. l’extermination. La mort des premiers-nés, attribuée directement à Dieu par Ex 11 4; 12 12, 23, 27, 29, accompagné de l’Exterminateur, Ex 12 23, devient l’œuvre de la Parole divine. Celle-ci était représentée déjà comme exécutant les jugements par 1s 11 4; 55 11; Jr 23 29; Os 6 5. Dans cette évocation dramatique, l’auteur s’inspire, au v. 16b de 1 Ch 21 15-27, et peut-être aussi d’Homère (Iliade IV, 443). L’ensemble prend une signification apocalyptique et la Parole de jugement préfigure, non l’Incarnation du Verbe (contrairement à l’usage que la liturgie a fait de ce texte), mais l’aspect redoutable de son second avènement. On rapproche 1 Th 5 2-4; Ap 19 11-21.
  • – Verset 17alors. Ce qui suit n’a aucune attache avec le récit de l’Exode

Menace d’extermination au désert.

20 Cependant l’épreuve de la mort atteignit aussi les justes * et une multitude fut frappée au désert. Mais la colère ne dura pas longtemps, 21 car un homme irréprochable * se hâta de les défendre. Prenant les armes de son ministère, prière et encens expiatoire, * il affronta le Courroux et mit un terme au fléau, montrant qu’il était ton serviteur.

22 II vainquit l’Animosité, * non par la vigueur du corps, non par la puissance des armes ; c’est par la parole * qu’il eut raison de celui qui châtiait, en rappelant les serments faits aux Pères et les alliances.

23 Alors que déjà les morts s’entassaient par monceaux, il s’interposa, arrêta la Colère, et lui barra le chemin des vivants. 24 Car sur sa robe talaire était le monde entier, les noms glorieux des Pères étaient gravés sur les quatre rangées de pierre, et sur le diadème de sa tête il y avait ta Majesté. * 25 Devant cela l’Exterminateur * recula, il en eut peur ; la seule expérience de la Colère suffisait.

  • – Verset 20les justes. En punition de la révolte qui suivit le châtiment de Coré, Datàn et Abiram, Nb 17 6-15. C’est là une sorte de parenthèse dans la suite des antithèses.
  • – Verset 21. irréprochable. Aaron, irréprochable » parce que, choisi par Yahvé, il lui est demeuré fidèle.
  • – Verset 21. expiatoire. Litt. : « le sacrifice expiatoire de l’encens ». En ajoutant la « prière » non mentionnée par le récit biblique, le texte transforme le grand prêtre en intercesseur, cf. 2 M 3 31; 15 12; Ps 99 6; He 7 25
  • – Verset 22. l’Animosité. « l’Animosité » ton cholon conj.; « la foule » ton ochlon texte reçu.
  • – Verset 22. la parole. Soit la prière mentionnée v. 21. soit une parole impérative réduisant à l’impuissance l’agent du châtiment, appelé plus loin v. 25, l’Exterminateur.
  • – Verset 24. ta Majesté. L’auteur se représente Aaron revêtu d’une robe descendant jusqu’aux talons, avec l’éphod et le pectoral aux douze pierres gravées du nom des « Pères » (les douze fils de Jacob), cf. Ex 26 6s; 39 2s, avec sur la tête la fleur d’or du « diadème » portant l’inscription « consacré à Yahvé », Ex 28 36s; 39 30s. Ces insignes de la dignité de grand prêtre reçoivent ici un symbolisme cosmique qui devait être habituel dans les milieux juifs hellénisés.
  • – Verset 25. l’Exterminateur. Peut-être un ange, comme celui de 1 Ch 21 15-16. Cf. Ex 12 23 et 1 Co 10 10. – « il eut peur » mss, versions; « ils eurent peur » texte reçu.